La possibilité de disposer d’un outil avec lequel enquêter sur la réalité est ce qui nous a attiré vers le médium photographique. Au début, nous avons photographié avec la simple intention d’enregistrer ce que nous voyions. Mais bientôt notre intérêt est passé de la capture de l’apparence superficielle de la réalité à l’étude de sa « structure sous-jacente ». Ainsi, la photographie est ainsi devenue l’outil philosophique parfait pour comprendre le monde et nos images sont le sous-produit de cette enquête, les cahiers de nos recherches.

Albarran Cabrera
Albarran Cabrera – The Mouth of Krishna #60235- Courtesy Galerie Esther Woerdehoff

Les spectateurs interprètent les photographies de manière subjective en les reliant à leur expérience personnelle, leur identité et leur mémoire. On dit que nous sommes nos souvenirs. Ils définissent ce que nous sommes et qui nous sommes et nous aident à comprendre notre réalité. La mémoire n’est rien d’autre qu’un processus de reconstruction et de recréation continue. Ce processus est activé volontairement ou lorsqu’il existe un déclencheur qui l’initie. Lorsque nous regardons une image, le cerveau essaie de l’interpréter

en utilisant les souvenirs que nous avons stockés, générant ainsi de nouveaux souvenirs et de nouvelles idées. En tant que structure dynamique, le cerveau change chaque fois qu’une nouvelle sensation est ressentie ou qu’une nouvelle pensée est générée. En effet, interpréter une image va non seulement ajouter de nouvelles idées à nos connaissances et changer notre façon de projeter l’avenir, mais va également modifier nos souvenirs.

En tant que photographes, nous pouvons traiter de sujets complexes ou de relations entre différents sujets sans avoir à utiliser un langage verbal et son code linguistique. Nos outils, quant à eux, sont des images et des photographies. Nous pensons que la photographie peut nous aider, nous et les spectateurs,

à comprendre des concepts difficiles d’une manière différente. Il y a un écart entre la réalité et ce que nous considérons comme réel. Et la photographie, comme le disait un jour le dramaturge japonais Chikamatsu Monzaemon en parlant de l’art en général, se situe à la frontière entre le réel et l’irréel, entre le vrai et le faux, nous aidant ainsi à découvrir ce qui nous est caché.

Cependant, la photographie est un médium limité. C’est une bataille entre vision et technologie. Les photographes ne peuvent créer que ce que la technologie et les processus disponibles à leur époque leur permettent de faire. Toutes sortes de conventions artistiques et d’aspirations personnelles peuvent influencer un photographe, mais elles ne peuvent aller que dans la mesure où la technologie le leur permet.

Albarran Cabrera
Albarran-Cabrera-Study-0444-Courtesy-Galerie-Esther-Woerdehoff

Parfois, la technologie d’impression disponible n’est pas suffisamment avancée pour réaliser la vision d’un individu. C’est alors à l’artiste le choix de changer cela, soit en inventant de nouvelles techniques et de nouveaux procédés, soit en expérimentant des techniques établies et en les utilisant d’une manière différente. Dans notre cas, vouloir trouver de nouvelles façons d’expliquer une série de concepts et d’idées avec la photographie nous a amené à élargir notre « syntaxe photographique ». Nous avons réalisé que si nous voulions élargir le sens de notre travail, nous devions également élargir les règles, principes et processus qui rendent ce sens possible.

Cela nous a amenés à nous concentrer non seulement sur l’image elle-même, mais également sur sa manifestation physique sous forme de photographies imprimées. Nous consacrons beaucoup de temps et d’efforts à créer les représentations imprimées de nos idées en travaillant nous-mêmes dans notre chambre noire. Pour nous, les photographies ne sont pas seulement des images, mais aussi des objets physiques. « La méthode d’impression », comme l’explique William Crawford dans son livre The Keepers of Light, « introduit les derniers éléments de la syntaxe : elle détermine la forme que prend l’image en tant qu’objet tangible… Même la texture du matériau imprimé fait partie de syntaxe, car ses qualités réfléchissantes affectent notre perception des tons de l’image.

Comme le dit Lyle Rexer dans son livre The Edge of Vision : « … la photographie est à la fois une enquête sur la réalité et un moyen d’enquêter sur cette réalité…. la photographie n’est pas un regard ou un regard à travers mais un regard avec. »

Texte : Angel Albarrán and Anna Cabrera

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Albarran-Cabrera-The-Mouth-of-Krishna-60508-Courtesy-Galerie-Esther-Woerdehoff
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