La « Vie Rêvée » en Crise : Netflix Dévoile un Portrait Doux-Amer de la Réussite Moderne avec « La Vie rêvée de M. Kim »

Le Vertige de la Chute

La Vie rêvée de M. Kim
Veronica Loop
Veronica Loop
Veronica Loop est directrice générale de MCM. Elle est passionnée par l'art, la culture et le divertissement.

La nouvelle série Netflix nous présente un héros du quotidien, l’archétype de l’employé modèle qui a suivi les règles à la lettre toute sa vie. Kim Nak-soo (interprété par Ryu Seung-ryong) est un homme qui a méticuleusement construit l’existence que la société définit comme une réussite, pour finalement voir son monde s’effondrer en un instant. Le synopsis officiel suit « un homme d’âge mûr qui, après s’être accompli en tant que cadre d’entreprise, se lance dans un voyage de découverte de soi après une chute brutale, réapprenant ce qui lui apporte une joie véritable ». Le décor est planté pour une histoire qui ne traite pas de la quête du succès, mais de sa redéfinition après avoir tout perdu.

Le récit explore une anxiété moderne et généralisée, particulièrement palpable au sein de la classe moyenne, où le succès est perçu comme fragile et où l’identité, souvent liée à une carrière, peut être anéantie sans préavis. Le synopsis utilise à plusieurs reprises des expressions comme « perd tout ce qu’il chérissait en un instant » et « une chute brutale », soulignant la soudaineté de la crise du protagoniste. Sa déchéance est d’autant plus troublante qu’elle survient après 25 ans de loyauté et de promotions constantes, suggérant que son malheur est immérité. La série remet ainsi en question l’idée d’un contrat social promettant la stabilité en échange d’un travail acharné, un pacte qui semble de plus en plus rompu dans de nombreuses économies contemporaines. Le parcours de M. Kim devient alors un exutoire pour les angoisses du public concernant la stabilité et l’estime de soi. Au fond, la série pose une question existentielle que l’acteur Ryu Seung-ryong a lui-même formulée : « Posséder sa maison à Séoul et occuper un poste de cadre garantit-il le bonheur? Si l’on perd tout cela, est-ce synonyme de malheur? »

Portrait d’un Homme sur le Fil : Intrigue et Personnage Principal

Avant sa chute, Kim Nak-soo incarne l’idéal de la réussite coréenne. C’est un chef de service avec 25 ans d’expérience dans une grande entreprise, reconnu pour ses compétences commerciales exceptionnelles et pour n’avoir jamais manqué une seule promotion. Il possède un appartement de premier choix à Séoul et subvient aux besoins de sa famille, composée d’une « épouse sage et d’un fils intelligent », ce qui fait de lui une « icône du succès ». Cependant, cet équilibre se brise lorsque « les choses commencent à se dégrader, tant au travail qu’à la maison », et qu’il commence à « perdre pied » dans les deux domaines. Il ne s’agit pas d’un événement catastrophique unique, mais d’une érosion progressive et, par conséquent, plus réaliste de son univers.

Le cœur de l’intrigue est son voyage de redécouverte, décrit comme « touchant et humoristique », une quête de « résilience et de survie » qui provoque « autant de larmes que de rires ». L’objectif final est qu’il trouve son « véritable moi, qui n’est plus défini par son travail ». Un trait crucial qui ajoute de la complexité au personnage est son archétype de kkondae, un terme coréen désignant un adulte autoritaire et vieux jeu. Cette vision rigide du monde est probablement un facteur contribuant à sa chute et un obstacle majeur sur son chemin vers la réinvention. Ryu Seung-ryong décrit son interprétation de cet archétype comme celle d’un « clown : drôle mais pas détestable », un homme qui tente de trouver de la valeur dans des choses insignifiantes d’une manière qui est « à la fois amusante et triste ».

La structure de l’intrigue — 25 ans de succès suivis d’une chute soudaine — fonctionne comme une critique délibérée d’une culture d’entreprise qui valorise l’utilité d’un employé au détriment de son humanité. L’identité de Kim Nak-soo est si étroitement liée à son titre professionnel que sa perte déclenche une crise existentielle totale. La série suggère que la « vie rêvée » offerte par le succès en entreprise est une cage dorée qui empêche la véritable découverte de soi. Le récit implique que pendant 25 ans, M. Kim n’a pas vécu sa propre vie, mais celle que lui prescrivaient son entreprise et la société. Sa « chute » n’est donc pas seulement une tragédie, mais une libération douloureuse mais nécessaire, positionnant la série comme une mise en garde contre les dangers de laisser sa profession devenir l’intégralité de son identité.

Ryu Seung-ryong : Le Retour du Titan à la Télévision

La série marque un événement télévisuel majeur : le retour de Ryu Seung-ryong sur le petit écran après une absence de 15 ans, au cours de laquelle il s’est imposé comme une superstar du cinéma. Sa filmographie comprend des succès au box-office tels que Miracle in Cell No. 7, The Admiral: Roaring Currents et surtout Extreme Job, le deuxième film le plus rentable de l’histoire de la Corée du Sud. Il est le premier acteur coréen à avoir joué dans quatre films ayant chacun dépassé les 10 millions de spectateurs, ce qui confirme son pouvoir d’attraction et souligne l’importance de son retour à la télévision.

Ce retour de Ryu n’est pas un pas en arrière, mais le reflet d’un changement de paradigme dans l’industrie mondiale du divertissement. Les séries à gros budget, centrées sur les personnages et diffusées sur des plateformes mondiales comme Netflix, offrent désormais le prestige, la profondeur créative et la portée internationale qui étaient autrefois l’apanage du cinéma. Sa participation rehausse la série et indique que les histoires et les performances les plus captivantes se trouvent de plus en plus sur le « petit écran », validant les K-dramas comme une forme d’art de premier plan au niveau mondial.

Ryu offre une perspective nuancée sur son personnage, Kim Nak-soo, qu’il décrit comme une figure de « tragi-comédie, à la fois ridicule et suscitant la sympathie ». Il insiste sur le fait que, bien que le personnage soit un kkondae, c’est « quelqu’un qu’on ne peut pas détester » car il possède un « sens sain des responsabilités » qui explique son comportement. Cette nuance est la clé de l’attrait du personnage. L’acteur admet également que ce rôle l’a fait réfléchir à sa propre position en tant qu’un des acteurs les plus âgés sur le plateau, et à la difficulté de trouver un équilibre entre générosité et créativité sans être perçu lui-même comme un kkondae.

La Vision Créative : Redéfinir le Sens du Bonheur

À la tête de la série se trouve le réalisateur Jo Hyun-tak, dont la filmographie acclamée comprend des succès comme SKY Castle, une production également connue pour sa satire sociale acerbe. Cette expérience préalable lui confère la crédibilité nécessaire pour aborder des thèmes complexes et d’une grande pertinence sociale. Un objectif central pour le réalisateur est d’explorer et de combler le fossé générationnel en Corée. Jo Hyun-tak affirme : « On a le sentiment que les générations sont déconnectées. Je voulais créer une histoire qui aide à combler ce fossé ». Ryu Seung-ryong fait écho à ce sentiment, espérant que l’œuvre « pourra naturellement élargir la compréhension mutuelle entre les générations ». Le réalisateur a salué l’incarnation du personnage par Ryu, déclarant que son interprétation était « si complète qu’il était difficile de le distinguer du personnage ».

La Vie rêvée de M. Kim peut être interprétée comme une suite thématique du précédent grand succès de Jo Hyun-tak, SKY Castle. Alors que SKY Castle satirisait les ambitions impitoyables de l’élite pour que leurs enfants intègrent les meilleures universités, cette nouvelle série examine la vie qui vient après l’atteinte de ce « succès » : le vide et la pression de maintenir ce statut à l’âge mûr. C’est une critique longitudinale du même système de valeurs sociales, vu à une autre étape de la vie. Jo Hyun-tak poursuit ainsi son examen des pressions de la société coréenne moderne, déplaçant son attention de « l’arrivée » à « l’être là », et se demandant si la destination en valait le voyage.

La philosophie du réalisateur est qu’en explorant en profondeur un « cas particulier » — celui de M. Kim —, la série peut « représenter tout le monde ». L’histoire ne concerne pas seulement un cadre d’une cinquantaine d’années, mais se présente comme un récit transgénérationnel, où les spectateurs peuvent voir « leur propre avenir ou passé ». La vision partagée des créateurs est d’utiliser l’histoire pour amener le public à réfléchir à ses propres valeurs. Les déclarations de Ryu sur le fait de tout perdre pour trouver le « bonheur authentique » et de réfléchir à « ce que nous tenons pour acquis » sont ici fondamentales. La série est conçue pour lancer une conversation sur ce que signifie réellement « bien vivre ».

Du Phénomène Web à l’Écran Mondial : Origines et Authenticité

La série est basée sur un webcomic à succès intitulé Seoul Jagae Daekieob Danineun Kim Bujang Yiyaki. Sa popularité antérieure est remarquable : il a accumulé 10 millions de vues sur la communauté Naver et s’est vendu à 300 000 exemplaires. Ce succès préexistant indique une histoire dont la résonance a déjà été prouvée. Un détail clé qui apporte de l’authenticité est que l’auteur original, Song Hee-gu, s’est inspiré de ses propres expériences de travail dans une grande entreprise, ce qui ancre l’histoire dans le réalisme. Le réalisateur Jo Hyun-tak a souligné que l’auteur a participé activement à la production, apportant des idées et rejoignant l’équipe sur le plateau.

La décision de conserver le titre original, long et descriptif, est un choix artistique délibéré qui fonctionne comme une pièce de méta-narration. Le titre littéral, « L’histoire du manager Kim, qui est propriétaire de sa maison et travaille pour une grande entreprise à Séoul », présente la vie du protagoniste comme un curriculum vitae de réussites sociales, invitant immédiatement le public à s’interroger sur la substance derrière les étiquettes. C’est une subversion intelligente des titres souvent poétiques des K-dramas, utilisant un langage bureaucratique pour critiquer une vie bureaucratique. Le réalisateur Jo Hyun-tak reconnaît que le titre peut sembler « étrange », mais explique que « le titre lui-même suscite la curiosité et des questions » sur ce que signifie réellement le succès. Il fonctionne comme la thèse de toute la série : le titre est le problème que l’intrigue se propose de résoudre.

La Dynamique Familiale et le Miroir des Générations

La dynamique familiale est fondamentale pour l’intrigue, et non un simple décor. L’histoire ne traite pas seulement de la crise d’un homme, mais de la manière dont toute une unité familiale réagit lorsque ses fondations sont ébranlées. Le personnage de Park Ha-jin, l’épouse interprétée par Myung Se-bin, n’est pas une figure passive. Après 25 ans à soutenir son mari, elle décide de poursuivre ses propres rêves et devient agent immobilier juste au moment où la position de son époux devient précaire. Son parcours de transformation offre « inspiration et perspectives auxquelles il est facile de s’identifier ». Pendant ce temps, le fils, Kim Su-gyeom, interprété par Cha Kang-yoon, agit comme la voix de la jeune génération, observant ses parents naviguer dans la crise et soulignant les différences de valeurs et de communication entre les générations. L’actrice Myung Se-bin a souligné qu’en tant que mère de fiction, elle s’est concentrée sur le fait d’« apaiser les tensions entre le père et le fils et d’ouvrir la communication ». Le réalisateur a également mentionné que le drame aborde « 11 crises quasi mortelles auxquelles la famille est confrontée », suggérant une série de défis croissants qui mettront leurs liens à l’épreuve.

Cette intrigue secondaire familiale est cruciale car elle déconstruit le rôle traditionnel du patriarche masculin comme unique pourvoyeur de revenus. À mesure que l’identité professionnelle de M. Kim s’effondre, celle de sa femme émerge. Cette inversion des rôles est un commentaire sur l’évolution de la dynamique familiale et des rôles de genre dans la Corée moderne. La crise de l’un devient le catalyseur de l’émancipation de l’autre. La série soutient donc que la « vie rêvée » construite sur un unique soutien de famille est intrinsèquement instable. La véritable stabilité provient d’une structure familiale plus moderne et équitable, où les membres individuels ont leurs propres sources d’épanouissement et de valeur.

Une Invitation au Rire et à la Réflexion

En fin de compte, La Vie rêvée de M. Kim se présente comme un mélange unique d’« humour et d’émotion brute », et une combinaison de « satire, de chaleur et de vision familiale ». Son objectif est de faire en sorte que le public « rie à un moment et soit ému aux larmes le suivant ». L’objectif final des créateurs est d’offrir plus qu’un simple spectacle ; c’est un « regard chaleureux et honnête sur ce que signifie être humain ». La série est positionnée comme une œuvre qui apportera « du réconfort à ceux qui sont dans leurs propres voyages personnels » et provoquera une réflexion significative. En suivant le chemin de la redécouverte de soi de M. Kim, la série pose au public une question inéluctable : « À quoi ressemble ma vie de rêve? ». Avec sa thématique universelle et son approche nuancée, La Vie rêvée de M. Kim est prête à résonner auprès d’un public mondial confronté à des questions similaires sur le succès, le bonheur et le vrai sens d’une vie bien vécue.

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