Complètement footus (titre original Ogni maledetto fantacalcio) suit un cercle soudé d’amis dont la rivalité en ligue de fantasy football déborde sur des conséquences bien réelles. Le matin de son mariage — qui coïncide avec la dernière journée décisive de leur ligue privée — Gianni n’apparaît pas et, fait révélateur, n’envoie pas non plus sa composition. L’affaire échoit à une juge à l’ironie sèche qui interroge Simone, scénariste détendu et meilleur ami du disparu, tandis que le film se déroule en flash-back. L’interrogatoire sert de cadre narratif pour dérouler la chronologie d’une folle despedida, tandis que messages, captures d’écran et photos recadrées du chat de la ligue sont traités comme des « preuves », transformant les rituels de supporters en comédie procédurale.
La mise en scène de Federici privilégie l’économie et la lisibilité plutôt que la surenchère. Le film alterne la sévérité statique de la salle d’audition et la texture volatile des séquences de fête, en maintenant le tempo par des transitions nettes plutôt que par un montage frénétique. Les éléments d’interface — superpositions de conversations, notifications, images rognées — s’intègrent comme motifs visuels plutôt que gadgets, ancrant le récit dans le vernaculaire numérique du fandom contemporain sans sacrifier la clarté. Le scénario de Giulio Carrieri, Michele Bertini Malgarini et Roberta Breda resserre des enjeux lisibles et concrets : loyautés, statut au sein de la ligue et étiquette compétitive, diffractés par une énigme qui progresse et se résout sans mélodrame.

Les interprétations sont réglées à l’équilibre d’ensemble. Giacomo Ferrara compose un Simone au phrasé mesuré et sans effets, qui ancre l’escalade des quiproquos. Silvia D’Amico offre à Andrea — dernière recrue de la ligue — une réserve ambiguë qui densifie les dynamiques de groupe sans verser dans la caricature. Gianni, incarné par Enrico Borello, se reconstruit surtout par le souvenir et le ouï-dire : un choix qui maintient le marié absent au centre dramatique tout en motivant les rivalités. Antonio Bannò et Francesco Russo dessinent des figures distinctes et lisibles au sein du collectif, de sorte que les scènes chorales restent nettes plutôt que cacophoniques. Dans le rôle de la magistrate, Caterina Guzzanti impose le diapason tonal : laconique, procédurale, rétive à l’emphase, elle laisse l’humour naître du cadrage et de l’accentuation.
Sur le plan formel, le film se lit comme un buddy movie à énigme calé sur une cadence de comédie sportive. La mise en place scénique reste contenue, le montage demeure fonctionnel, et l’usage diégétique de la messagerie imprime un rythme conversationnel qui rappelle le bourdonnement d’un jour de match. Lorsque le récit bascule vers l’explication, il le fait avec pragmatisme : indices insignifiants examinés avec gravité de polar judiciaire, faux pas ordinaires gonflés juste ce qu’il faut pour montrer comment un « jeu sur un jeu » peut formater amitiés, règles et conflits. Des apparitions brèves de visages familiers du football italien — personnalités médiatiques, joueur et arbitre de Serie A — ponctuent la diégèse sans la saturer, et soulignent la frontière poreuse entre culture de spectateurs et vie quotidienne sur la plateforme mondiale de Netflix.
Sans moraliser, Complètement footus montre comment la compétition, la comptabilité des points et la chambrerie deviennent une grammaire de l’amitié — tantôt féconde, tantôt corrosive. Le film reste d’abord une comédie : alerte, contenue, rétive à la grandiloquence, avec un dernier mouvement qui éclaire la disparition et ramène les personnages à leur juste échelle. Pour les publics habitués aux spectacles de stade, c’est une pièce de chambre sur la micropolitique du fandom, exécutée avec légèreté et une oreille précise pour la façon dont on se dispute réellement une composition.
Sortie (en streaming) : 27 août 2025.

