À partir du mois de juin la galerie expose le travail du photographe hispanosuisse Carlos Leal, qui a fait de la rue son sujet de prédilection. Les photographies de cet artiste interrogent la place du pauvre dans la ville de Los Angeles. Elles montrent les lieux d’obscurité où se situent les marginaux,
les sans-abri, tous les exclus du marché à la prospérité, qui sont à la fois en dedans et en dehors de la société. Ceux que l’on oublie, ou plutôt que l’on ignore, mais qui sont pourtant bien visibles.
Le titre de l’exposition, Fearless, est lui-même représentatif de cette déliquescence d’un pays qui se targue d’être la première puissance mondiale mais qui, en réalité, a terriblement peur de lui-même.
L’histoire derrière l’image qui a donné son nom à l’exposition en est symptomatique. Le panache de fumée dans le ciel est celui créé par un sans-abri brûlant toutes ses affaires en plein milieu de l’autoroute. La fumée noire est parvenue au niveau d’un étrange bâtiment où l’on peut lire le mot
« FEARLESS » et qui s’avère être une église.
Les photographies de Carlos Leal montrent une réalité dérangeante que l’on a parfois du mal à identifier. La photographie de la main plaquée contre un mur sombre n’a rien d’anodin elle non plus car elle montre en vérité l’arrestation violente d’un afro-américain. Au fond, la démarche photographique de Carlos Leal est proche du rap, dont il a été l’un des représentants en Suisse.
À côté de ces images, d’autres installations présentes dans l’exposition sont plus radicales. À travers elles, Carlos Leal veut nous confronter au quotidien des invisibles qui peuplent la ville.
Dans l’exposition, un groupe photographique saisit, heure par heure, une journée d’errance typique d’un sans-abri de Los Angeles. Une autre succession d’images nous pousse quant à elle à regarder, de plus en plus près, un autre sans-abri assis sur un fauteuil roulant, dont le visage est dissimulé sous une couverture.
Si Carlos Leal a photographié les contrastes entre le quotidien des démunis et la vie des habitants de la ville américaine, le décalage est aussi celui d’une Amérique sur le déclin qui se retrouve face aux vestiges de sa gloire passée. La station service brille comme un temple. Les commerces de proximité, ces « dépanneurs » comme on les appelle parfois – ouverts à toute heure du jour
et de la nuit pour satisfaire le consumérisme des citadins – voisinent avec les tentes de sans-abri. Sous l’objectif de Carlos Leal, ces symboles américains apparaissent comme des vestiges désuets dont les néons défraîchis dessinent une poésie spatiale.
Avec Fearless, Carlos Leal signe sa première exposition dans notre galerie, à découvrir tout l’été.
Galerie Esther Woerdehoff
36 Rue Falguière, 75015 Paris, Francia