Matisse. Cahiers d’art. Musée de l’Orangerie

Femme à la voilette, 1927 The Museum of Modern Art, New York © Succession H. Matisse © Digital image, The Museum of Modern Art, New York / Scala, Florence / DR
Lisbeth Thalberg Lisbeth Thalberg

Lorsque Henri Matisse (1869-1954) reçoit la commande d’une décoration pour la fondation du collectionneur Albert C. Barnes, il revient d’un voyage de plusieurs mois aux États-Unis et à Tahiti. Les rétrospectives de son oeuvre se multiplient alors qu’il peine à peindre des toiles. Il travaille cependant sans relâche à la production de dessins, de gravures et de sculptures puis à la composition de La Danse, œuvre murale monumentale à laquelle il consacre trois années (1930-1933). Le peintre cherche, explore et invente de nouvelles méthodes comme celle des papiers découpés. Sa rencontre avec Lydia Delectorskaya, qui devient son assistante et son modèle, ouvre alors une nouvelle période prolifique en peinture.                                                              

Au tournant des années 1930, Cahiers d’art publie des articles sur le travail en cours et passé de Matisse, illustrés de nombreuses reproductions de ses oeuvres. En diffusant gravures et dessins au fur et à mesure de leur réalisation, aux côtés des productions d’artistes tels Pablo Picasso, Fernand Léger, Vassily Kandinsky, la revue place le travail de Matisse dans les courants artistiques de son temps.

1926

Matisse travaille et vit à Nice où il se consacre à la série des Odalisques, peintures de nus féminins dans un décor oriental, d’après le modèle Henriette Darricarrère. En avril, il accepte de contribuer à la revue créée par Christian Zervos, Cahiers d’art, dont le numéro inaugural reproduit une de ses lithographies, marquant le début d’une collaboration suivie. En octobre, Paul Guillaume expose trois oeuvres de la période radicale de Matisse des années 1910 inspirée du cubisme, dont les Baigneuses à la rivière (1909-1917).

1927

Une importante rétrospective est organisée à New York par Pierre Matisse, fils de l’artiste et marchand d’art. En France, plusieurs expositions personnelles et collectives ont lieu à Paris, à la galerie Bernheim-Jeune, au Salon des Indépendants, au Salon des Tuileries. Au Salon d’Automne, Matisse présente deux peintures, dont l’Odalisque à la culotte grise. Il achève Femme à la voilette, commencée en 1926, dernier tableau réalisé d’après le modèle Henriette Darricarrère. L’oeuvre résonne comme un double adieu – à une femme et à un style pictural –, et annonce la période de doute des années 1930.

1929

Henri Matisse,
Le Chant, 1938,
huile sur toile, 282 × 183 cm
The Lewis Collection
Henri Matisse, Le Chant, 1938, huile sur toile, 282 × 183 cm The Lewis Collection

Matisse écrit à sa fille Marguerite : « Je travaille beaucoup, mais loin de la peinture. Je me suis installé plusieurs fois pour en faire, mais devant la toile je n’ai aucune idée – tandis qu’en dessin et en sculpture ça marche à souhait ».Il réalise de très nombreuses gravures. Dix-neuf d’entre elles sont reproduites dans le numéro 7 de Cahiers d’art, et la galerie Bernheim-Jeune organise l’exposition « Quarante lithographies originales de Matisse ». Cette même année, il termine la sculpture du Grand nu assis sur laquelle il travaille depuis 1922.

1930

Le 26 février 1930, Matisse embarque au Havre pour Tahiti. Première étape, New York : « je suis émerveillé à l’arrivée dans le port de N.Y. et tout ce que j’ai vu jusqu’ici, la puissance de l’effort humain que j’y sens est réconfortant. Maintenant j’ai peur de trouver fades les douceurs de l’Océanie ». Il traverse les États-Unis en train pour rejoindre San Francisco, qu’il quitte le 19 mars pour Tahiti où il séjourne jusqu’en juin. Il réalise peu de choses au cours de ce voyage : une pochade, une série de dessins et des photographies. En septembre, il se rend à nouveau aux États-Unis et rencontre le collectionneur Albert C. Barnes qui lui passe commande d’une décoration murale pour sa fondation à Merion, près de Philadelphie.

1933

En janvier, Barnes se déplace à Nice pour voir La Danse dans l’atelier et approuve l’oeuvre. En février, Goyo, peintre en bâtiment, vient aider l’artiste à transposer les papiers découpés en aplats de couleurs. En mai, Matisse se rend aux États-Unis avec La Danse pour l’installer à la Fondation Barnes. Il écrit à son ami l’artiste Simon Bussy : « C’est une splendeur dont on ne peut avoir idée sans l’avoir vue ». À l’automne, Matisse reprend la première décoration inachevée afin de la terminer. Il se remet à la peinture de chevalet, peint le Nu au peignoir et réalise un premier portrait de Lydia à l’estompe.

Henri Matisse,
Grand nu couché (Nu rose),
1935,
huile sur toile, 66,4 × 93,3 cm
Baltimore Museum of Art
Henri Matisse, Grand nu couché (Nu rose), 1935, huile sur toile, 66,4 × 93,3 cm Baltimore Museum of Art

1935

Lydia pose pour de nombreuses toiles dont elle est le modèle. Elle commence également à consigner les dates des séances de peinture, permettant de suivre au plus près le travail en cours.
Le 29 avril, Matisse entame le Grand nu couché (Nu rose), en recourant à la technique de papiers
gouachés découpés pour travailler la composition. Le tableau l’occupe plusieurs mois et, le 16 septembre, il écrit à son fils Pierre : « il a déjà beaucoup changé. Je me tue sur lui. C’est curieux que depuis déjà quelque temps c’est la vision colorée qui me donne le plus de peine à réaliser. Est-ce qu’à force d’avoir travaillé le dessin et la composition je me suis un peu séché de ce côté ». À l’automne, paraît une version illustrée d’Ulysse, du romancier irlandais James Joyce, dont Matisse réalise les gravures depuis 1934.

Musée de l’Orangerie

Jardin des Tuileries, 75001 Paris, France

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