« Parti, dans un premier temps, sur l’idée de suivre les traces de Gustave Courbet, en me laissant la liberté de voir ce qu’il en adviendra, j’ai réalisé que ce nouveau projet prenait une direction particulière. Tout le travail de la représentation du monde naturel, la mimésis ou l’imitation, ne pouvait être une fin en soi. En arpentant la vallée de la Loue et ses affluents les sensations que je ressentais jeune, dans les bois des Laurentides au nord de Montréal, me sont revenues. Même si j’étais citadin, j’ai vécu toutes mes vacances et week-end dans ces forêts. Je passais mes journées dans les bois où je ressentais une sorte de présence qui m’entourait et m’enveloppait à la fois douce et inquiétante. Je ne m’étais pas formulé la chose dans mon enfance, cela me paraissait normal, mais en grandissant j’ai compris que cette présence mystérieuse persistait sans pour autant en chercher une explication.
J’ai vite réalisé que ma peinture s’orientait vers une tentative de retrouver cet esprit du bois, de recréer la sensation d’absorption. La représentation fidèle de l’image ne suffit pas à produire cet effet. C’est par l’incohérence de la matière de la peinture – par le chaos de sa matérialité – que le tableau arrive à nous absorber. C’est en travaillant entre la représentation mimétique pour happer le spectateur et l’accident de la matière de la peinture pour le piéger que l’effet se produit. Une vraie pratique de trappeur. »
La gestuelle de la peinture agit donc comme une analogie au foisonnement de la végétation dans les bois, telle des bras qui nous effleurent.
Laissons parler les arbres.
Martin Bruneau, novembre 2023.