Lucia Wilcox : L’Éclat Retrouvé d’une Figure Clé de l’Art du XXe Siècle

Au carrefour des avant-gardes européennes et américaines, l'artiste Lucia Wilcox se voit enfin célébrée à New York. Une exposition met en lumière son œuvre surréaliste vibrante et singulière, témoignant d'une vie hors du commun et d'un engagement artistique profond pour la liberté et la joie.
11/05/2025 à 7:27 AM EDT
Lucia Wilcox
Lucia Wilcox

Lucia Wilcox (1899-1974) fut une artiste dont la trajectoire exceptionnelle, débutée à Beyrouth, s’est épanouie au cœur des scènes artistiques parisienne et new-yorkaise. Installée à East Hampton à partir des années 1940, elle a constitué un lien essentiel entre les émigrés européens tels que Fernand Léger, Max Ernst et Yves Tanguy, et les expressionnistes abstraits américains comme Lee Krasner, Jackson Pollock ou encore Elaine et Willem de Kooning. Son œuvre, bien que reconnue en son temps par des expositions notables, s’apprête à être redécouverte par un nouveau public.

L’exposition à venir se concentrera sur ses travaux surréalistes, réalisés entre 1943 et 1948, période durant laquelle elle signait simplement « Lucia ». Ces œuvres, aux couleurs vives et à l’imagination débridée, puisent leurs références dans le fauvisme, le primitivisme et le symbolisme. Elles se distinguent par une célébration joyeuse de la vie, de la liberté et des plaisirs sensuels. Lucia Wilcox y utilise fréquemment le nu féminin, la couleur et la ligne pour construire un univers d’hédonisme décomplexé, s’inspirant parfois d’Henri Matisse. Cependant, à travers des représentations ironiques et malicieuses, elle transforme les tropes traditionnels des anges féminins, des nus alanguis et des danseuses – souvent emblèmes de l’éthéréité et de la sexualité féminines chez les artistes masculins – en affirmations de la liberté et du plaisir des femmes. Ces « paysages fantasmagoriques » constituent un défi féministe subtil à un ethos surréaliste où les femmes étaient souvent cantonnées au rôle de muses ou de médiums pour des visions empreintes de violence érotique. À l’instar d’autres femmes associées au surréalisme dans les années 1940, telles que Gertrude Abercrombie, Dorothea Tanning ou Leonora Carrington, Lucia a trouvé dans ce mouvement une voix pour exprimer une fantaisie magique et un flux narratif personnel.

Si le lyrisme onirique de son travail peut évoquer celui de Marc Chagall, Lucia Wilcox exprimait une exubérance et une soif de vivre ancrées dans l’instant présent, contrastant avec la tendance de Chagall à se réfugier dans la mémoire et l’aspiration spirituelle. Son thème de prédilection était la liberté, exprimée par l’immédiateté, le changement, le mouvement, et une fusion du figuratif et du décoratif. Elle y parvenait en mêlant les traditions orientales et occidentales dans des motifs plats et dynamiques, faisant écho à l’art islamique et byzantin de sa jeunesse au Moyen-Orient, ainsi qu’à son expérience dans la création textile.

Ses œuvres des années de guerre reflètent non seulement sa propre fuite d’Europe en 1938, mais aussi une méditation plus large sur la résistance de l’humanité à l’oppression. Des chemins s’étirent vers l’inconnu, des figures spectrales se meuvent avec fluidité entre les royaumes terrestres et célestes. Plus tard, dans les années 1940, l’architecture devint souvent un cadre compositionnel pour ses toiles. Dans Invaded City (1948), les murs d’une ville européenne semblent recouverts de graffitis aux motifs floraux et géométriques, tandis que des esprits survolent la scène, suggérant une double invasion : celle de la guerre et celle de l’art.

Le parcours de Lucia Wilcox est aussi fascinant que son art. Après avoir quitté Beyrouth pour Paris en 1921, elle s’immerge dans la scène artistique effervescente de la ville, rencontrant Picasso et Léger, et recevant les conseils du peintre fauviste André Derain. D’abord couturière, elle devient une créatrice de tissus et de costumes reconnue, jouant un rôle formateur dans le lancement de l’atelier parisien d’Elsa Schiaparelli. En 1938, face à la menace de la guerre, elle émigre aux États-Unis, parrainée par les mécènes américains Gerald et Sara Murphy, voyageant en compagnie de Fernand Léger.

À son arrivée, elle séjourne dans la propriété des Murphy à East Hampton, un lieu où elle continuera de passer ses étés. Sa maison à Amagansett, acquise et rénovée avec son troisième mari, Roger Wilcox, deviendra un lieu de rassemblement pour les artistes d’East Hampton, attirés par l’atmosphère de salon qu’elle y créait et par sa cuisine renommée fusionnant les saveurs libanaises et parisiennes.

Dans les années 1950, Lucia Wilcox se tourne vers l’abstraction, créant des peintures gestuelles dans la veine de l’expressionnisme abstrait, influencée par ses amitiés avec Pollock et de Kooning. Elle y prolonge ses thèmes centraux d’immédiateté spirituelle et de liberté expressive. Même après être devenue presque entièrement aveugle en 1972, elle adapte sa pratique, travaillant à l’encre plutôt qu’à l’huile, faisant preuve d’une résilience caractéristique.

La galerie Berry Campbell, qui présente cette exposition, est reconnue pour son engagement envers les artistes historiquement marginalisés en raison de leur genre, race, âge ou origine géographique, cherchant à combler des lacunes critiques dans l’histoire de l’art.

L’exposition « LUCIA WILCOX: LUCIA » se tiendra à la galerie Berry Campbell à New York. Elle débutera le 22 mai 2025 et se poursuivra jusqu’au 28 juin 2025. Un vernissage aura lieu le jeudi 29 mai 2025, de 18h à 20h.

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